Après le phare de la Canche en 2011, l'hôtel de ville est le deuxième édifice du patrimoine architectural du Touquet-Paris-Plage à être classé Monument Historique, depuis le 27 mai 2014. Son premier classement à l'inventaire des Monuments Historiques date de 1997.
L'esprit de la "ville jardin" règne au pied de la façade ouest de l'hôtel de ville, fruit du travail des jardiniers d'aujourd'hui, dans la continuité des bâtisseurs de l'élégante
Paris-Plage inspirée par la culture britannique. Aujourd'hui comme hier, le principe essentiel qui fit le succès de la station est respecté: harmonie des constructions avec la nature et mise en
valeur des édifices par la création d'élégants parterres fleuris.
Les premières mairies du Paris-Plage en construction
Alors que Paris-Plage se construisait depuis 1882, sous la dépendance de la mairie de Cucq, un premier pas vers l'autonomie du territoire du Touquet est franchi le 16 juin 1901. A cette date, le conseil municipal de Cucq se réunit dans la cité en devenir pour la première fois, le temps d'une séance organisée à l'école de la rue de Londres et installe l'adjoint spécial, Louis Hubert, élu pour représenter et gérer exclusivement les affaires de Paris-Plage. L'école devient alors la modeste première mairie de la station. Lorsqu'en mars 1912, cette dernière est érigée en commune, elle obtient sa complète et définitive indépendance vis à vis de Cucq. Son premier conseil municipal, élu en mai, s'empresse de louer la villa "Les Moucherons", située à l'angle Sud-ouest des rues de Londres et de Bruxelles, pour y installer une nouvelle mairie mieux appropriée, agrandie en 1927.
La construction de l'hôtel de ville
Durant l'époque florissante de l'entre deux guerres, les financements des grands travaux ne posent aucun problème, grâce à l'argent du casino. L'année 1928, les taxes prélevées sur une seule
année de gain des jeux suffisent à honorer le budget du grand hôtel de ville voté lors de la séance du 28 avril 1928. Le conseil de Paris-Plage peut dès lors répondre à ses ambitions et
enclencher les travaux. La première pierre est symboliquement posée le 16 avril 1929, sur un terrain acquis vingt ans plus tôt par le conseil municipal de Cucq, face à l'église. Les travaux
dureront un peu plus de deux ans et seront réalisés d'après les plans de l'architecte Louis Debrouwer, également auteur de l'hôtel de ville de Calais et de l'architecte Pierre Drobecq,
ancien élève de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts et de l'atelier Jaussely et Expert. Les deux architectes seront quelques années plus tard
associés une seconde fois pour la construction du fastueux hôtel Royal Picardy où l'on retrouve les mêmes envolées de style et la même grandiloquence.
Un rendez-vous franco-britannique historique
Le nouvel hôtel de ville est inauguré le 27 juin 1931, dans le cadre des fêtes franco-britanniques. L'oriflamme du Touquet flotte au côté du drapeau national au sommet du beffroi, en présence d'une foule autant britannique que française, venue nombreuse découvrir avec impatience les intérieurs du somptueux édifice.
Une inauguration fastueuse
L'inauguration de l'hôtel de ville a lieu dans la grandiose salle d'honneur, en présence de plusieurs maires anglais installés en demi-cercle autour de la table d'honneur. Dans le même temps, le discours du maire, Léon Soucaret, retentit solennellement pour justifier l'exceptionnelle somptuosité du cadre offert par cet hôtel de ville, en réponse à une cité qui avait désormais atteint le niveau d'un "centre d'élégance française où se réunissait l'élite de plusieurs nations". La date de l'inauguration n'avait pas été choisie par hasard. Elle coïncidait avec les fêtes franco-britanniques, ce qui permit d'associer la forte communauté anglaise implantée à Paris-Plage.
Une journée de festivités mémorable
La journée d'inauguration de l'hôtel de ville fut organisée pour rester exceptionnelle dans les mémoires. Jalonnée de manifestations mondaines et symbo- liques, cette journée historique eut pour but de réunir les communautés française et britannique : une cérémonie au cimetière britannique d'Etaples, un banquet au Picardy, un concert suivi d'un thé et une clôture sous forme de banquet à l'Hermitage. Tous les citoyens du Touquet-Paris-Plage avaient pu se réjouir d'envahir librement la fastueuse Maison du peuple, mais seulement certains purent profiter des réjouissances de la suite du programme. Plus mondaine que de nos jours, la station avait su démontrer ce jour là un rayonnement qui néanmoins perdure dans sa version démocratisée d'aujourd'hui.
Une entrée majestueuse
Le parquet de l'immense salle d'honneur, de la salle des mariages et de la salle du conseil a été posé à l'ancienne, latte par latte. Il représente le travail d'ouvriers qui ont oeuvré pendant deux ans de 1929 à 1931. L'escalier d'honneur marque un accès volontairement grandiose, emprunt d'influence anglaise néogothique, destiné à annoncer l'esprit de la grande station de Paris-Plage dès les premiers pas des visiteurs conviés aux réceptions, festivités ou cérémonies de la Grand Epoque. Le côté majestueux de cet entrée d'honneur constitue l'une des parties de l'hôtel de ville les plus impressionnantes.
Un projet grandiose pour une vision d'avenir
Lors de son discours d'inauguration, Léon Soucaret avait montré que la réalisation de l'hôtel de ville répondait à la grandeur de la nouvelle cité, mais que, plus encore, elle anticipait son développement à venir. L'enjeu avait été en effet d'éviter que les générations futures puissent reprocher aux hommes des années 1930 d'avoir sous estimé le développement de Paris-plage et omis de prévoir les besoins et les ambitions des hommes de demain. L'édifice avait donc été construit dans ce respect de l'avenir, fondé, selon les mots du maire de l'époque, sur "la vision de la grandeur future de la cité". Dans le même esprit, le ministre présent avait souligné la réussite du développement de Paris-Plage basée sur la faculté de "voir grand" et la vocation internationale d'être "une incomparable ville d'accueil", dictée par une position géographique et une histoire tout à fait unique.
L'édifice est caractérisé par un style éclectique, nourri de 3 influences. On y retrouve le style régional, de par le choix des matériaux (briques et pierres de Baincthun) et, sur le plan architectural, de par la présence d'un beffroi surplombant l'édifice, à l'instar des villes du Nord de la France. On y trouve également le style normand avec la présence de pans de bois, ici sous forme cimentée et le style gothique anglais, visible notamment sur la façade Nord et dans la forme ogivale des fenêtres.
Le beffroi de l'hôtel de ville, haut de 38m, est, à titre comparatif, moins élevé que la nef de l'église. Son carillon sonne les quarts d'heure et les demi-heures. Pour l'anecdote, on se souviendra que son destin n'a tenu qu'à un fil à la fin de la seconde guerre. Les Allemands, par souci de vengeance, avaient prévu de le faire sauter le 3 septembre 1944, quand la défaite était devenue irréversible. C'est le gardien de phare, Ougen, qui, aidé de ses connaissances de l'allemand, parvint à convaincre l'Etat Major de renoncer à l'opération, prétextant la présence de sa famille logée en ces lieux et de blessés hébergés dans les sous-sols de l'hôtel de ville. On sait que les 48 lits qui avaient été prévus en avril 1944 pour la création d'un poste de secours étaient vides.
Un beffroi transformé en phare
Contrairement à l'hôtel de ville, les deux phares du Touquet ne furent pas épargnés à la fin de la guerre et disparurent en septembre 1944 sous les charges de la dynamite allemande. Durant la période du 15 octobre 1944 jusqu'à la mise en service de l'actuel phare de la Canche en 1951, le beffroi de l'hôtel de ville servira durant 6 bonnes années de phare provisoire, grâce à une lanterne installée à son sommet d'une portée de 18 km.
Les années sombres de la guerre
Le dramatique épisode de la second guerre mondiale placera l'hôtel de ville au centre de la vie citoyenne. Il servira d'école dès la rentrée de 1939. En effet, les enfants des propriétaires de résidences secondaires, fuyant Lille et Paris pour se réfugier au Touquet, avaient grossi considérablement le nombre d'écoliers qui purent tous être scolarisés. Les 454 élèves concernés, ne pouvant tous être accueillis dans l'enceinte de l'hôtel de ville, la classe de 6ème dû même déborder sur l'hôtel Britannia. L'esplanade située entre l'église et la mairie avait été délimitée par des barrières pour servir de cour de récréation.
Quant aux sous-sols, ils furent utilisés comme lieu de stockage du ravitaillement ainsi que des TSF réquisitionnées par les allemands. Les sous-sols avaient également été aménagés comme abri anti bombe pour la population. Les plafonds avaient été étayés avec des arbres de la forêt du Touquet et consolidés avec de hautes traverses, tandis que le sol avait été stabilisé par des semelles. On avait également utilisé des poteaux d'une largeur de 1,50m, espacés de 1 m et disposé des sacs de sable dans les combles pour parer aux risques d'incendie en cas de bombardement. La grande Maison du Peuple remplit donc du mieux qu'elle put sa fonction de citoyenneté et de solidarité durant les années difficiles de la seconde guerre mondiale.
D'inspiration néogothique, la salle d'honneur de l'hôtel de ville offre un air médiéval avec sa profusion d'arcs-boutants , d'arcs brisés, de nervures et de vitraux en forme d'ogive. Il n'est donc pas si surprenant que pendant la seconde guerre, en 1943, elle ait pu servir aux Allemands de lieu de culte protestant, puis, après les bombardements de 1944, d'église catholique provisoire pour les Français, l'église Sainte Jeanne d'Arc étant devenue impraticable.
La salle d'honneur était l'ancienne salle des fêtes du Touquet-Paris-Plage, avant l'existence du Palais des Congrès. Elle a aujourd'hui perdu ce nom et cette fonction pour devenir avant tout le lieu où l'on rend les hommages et les honneurs, d'où son titre aujourd'hui. On y célèbre principalement les remises de médailles, les réceptions officielles, les cérémonies et dîners de jumelage, les présentations annuelles des voeux du personnel et de la population. On y organise également quelques manifestations culturelles sur un programme annuel de concerts et de conférences et certains rendez-vous annuels avec la population.
Le style néogothique est un style architectural né au milieu du XVIII ème siècle. Mais c'est surtout au XIX ème siècle et au XX ème siècle qu'il a inspiré les architectes et décorateurs dans toute l'Europe ainsi qu'en Amérique du Nord. Le style traduit un retour aux formes médiévales. L'élégante austérité qui s'en dégage se retrouve en particulier dans la salle du conseil municipal qui n'est pas sans rappeler l'ambiance des châteaux médiévaux : formes en ogive des vitraux et charpentes, cheminée imposante, importance des boiseries, lustre de type médiéval. L'hémicycle et l'ensemble des boiseries sont d'origine et en chêne massif. Le conseil municipal, composé de 29 conseillers, siège face au maire et ses adjoints, qui tournent le dos à la grande cheminée. Par tradition, la majorité occupe la partie droite et l'opposition (au nombre de 4) la partie gauche. La galerie réservée à l'assistance est, depuis l'origine, destinée à accueillir les citoyens, dans sa partie droite et la presse, dans sa partie gauche. Les fauteuils sont en cuir, ornés des armoiries gravées à la feuille d'or.
La salle des mariages reflète le style anglais, façon Tudor. On en retrouve l'inspiration notamment dans le travail du plafond et dans la forme caractéristique des fenêtres de forme haute et étroite. Leur juxtaposition destinée à former des baies lumineuses et leur avancée sur la façade sud sont également la marque de ce style. L'ensemble dégage une atmosphère très médiévale, correspondant précisément à l'esprit Tudor qui marqua l'architecture anglaise de 1485 à 1603. On retrouve sur les vitraux les blasons de Desvres et d'Etaples sur la baie sud et le lion de Flandres de Lille côté ouest. Outre la célébration des mariages perpétuée aujourd'hui, la salle a accueilli durant la guerre une classe de filles. Le lieu sert de nos jours également de salle de réunion.
Vision d'un mariage au XVème siècle
L'oeuvre de Jeanne Thil, connue pour ses nombreuses fresques historiques sous toutes les latitudes, se poursuit dans la salle des mariages. On y retrouve toute la beauté de la lumière et des costumes, ainsi que la finesse des expressions des personnages et la recherche des décors qui ont rendu l'artiste célèbre dans le monde. Cette représentation de l'époque Renaissance qui peut sembler aujourd'hui désuette marque, à son emplacement bien choisi, les valeurs intemporelles du mariage. La promise se soumet à son destin, allant à la rencontre de l'homme qui lui offre le bonheur. La robe et la traine sont symboliquement blanches et la présence des lévriers, outre un symbole de mode pour l'époque, célébre au coeur de la scène la fidélité.
Les portes de communication entre les galeries et les halls, plus hautes que larges, sont terminées par des formes ogivales, façon néogothique et complétées par des plafonds en relief, façon Tudor. Cette association de style à l'emprunte médiévale apparait comme un leitmotiv à travers tout l'hôtel de ville, jusqu'à la porte d'accès au bureau du maire, dont l'effet théâtral obtenu célèbre la gloire du Paris-Plage historique.
Les services administratifs et les bureaux de l'Etat civil gèrent les demandes des citoyens dans un cadre moderne, organisé en open space où les décors préservent néanmoins l'âme historique de l'hôtel de ville. Les banques d'accueil en chêne massif rappellent les pupitres de l'hémicycle de la salle du conseil et le plafond rappelle les décors anglais en stuc des parties nobles du bâtiment.
Le port d'Etaples, témoin des débuts de la guerre de cent ans
La fresque de gauche, en tournant le dos à la salle d'honneur, renvoie aux débuts du conflit, représentant les préparatifs pour riposter contre les Anglais qui viennent d'envahir Boulogne. Nous sommes en 1340 et l'amiral Huc Quiéret passe ses troupes et la flottille disponible en revue au port d'Etaples. Il s'agissait non seulement de faire face à la nouvelle offensive des Anglais, mais également de tenter de reconquérir les territoires perdus. Ce sera un échec pour la France.
Fin de la guerre de cent ans, le traité de paix d'Etaples
Les rois Henri VII d'Angleterre et Charles VIII de France se rencontrent à Etaples pour mettre fin à la guerre de cent ans. Signer le 3 novembre 1492, le traité de paix d'Etaples, met un terme à un siècle de conflit entre les deux pays et officialise le rattachement définitif de la Bretagne à la France. Les Anglais accepteront de se retirer de France en échange de la somme de 745 000 écus d'or. Les chiens que l'on aperçoit au premier plan de la scène évoquent la fidélité. Ils seront repris sur la fresque de la salle des mariages, puisque le mariage de Louis XII de France avec Marie d'Angleterre scellera, quelques années plus tard, l'union des deux pays.
Le Touquet-Paris-Plage, ville lumière
Le territoire vierge et inhospitalier que constituait la pointe du Touquet, avant d'être occupé et transformé par l'Homme, s'est animé grâce aux premiers phares, avec l'arrivée de leurs gardiens et de leurs familles. Comme le suggère la devise de la ville, les phares avaient fourni la lumière et les premiers habitants des lieux. Le projet d'édifier une ville autour de ces deux monuments symboliques est né plus tard en 1880 sur l'idée de relation entre la lumière et la vie. Puisque la lumière avait du être faite ("Fiat Lux ..."), alors que la ville soit et devienne à son tour source de lumière ( "... Fiat Urbs"). L'image du phare que l'on retrouve sur le blason de la ville est donc fidèle à cette symbolique et rappelle le rôle de ces édifices générateurs de lumière dans la genèse de Paris-Plage.
Les armoiries avaient été composées dès 1894 par M. le comte Robert de Guyencourt, héraldiste renommé, à la demande de M. Henry du Parc, conseiller municipal, sur les indications de M. Edouard Lévêque.Elles furent adoptées par le conseil municipal en 1912 et portent la devise en latin de la ville,« Fiat Lux, Fiat Urbs », gravées sur le pignon central, ainsi qu'au dessus de la porte de la salle du conseil municipal. Elles rappellent le lien historique entre la lumière des phares et le projet de lancement de la station balnéaire de Paris-Plage. Les caravelles qui le coiffent symbolisent la mer, au même titre que l'ancre. Sur le blason lui-même, les trois bandes azur (bleues) sur fond d'or (jaune) symbolisent les trois fleuves traversant le comté du Ponthieu dont dépendait autrefois le domaine du Touquet. Au nord de la Somme et de l'Authie, la Canche marquait la frontière entre ce territoire et celui du Boulonnais. On retrouve le blason de Christian de Ponthieu dans les vitraux de la salle d'honneur. Le phare apparait en symbole des premiers phares de 1845 qui furent, après le sémaphore en 1839, les premières oeuvres humaines sur le territoire sauvage qui accueillera une quarantaine d'années plus tard la ville naissante de Paris-Plage. Les fleurs de lys sont présentes pour rappeler le blason de Paris, en clin d'oeil à "Paris-Plage", tout comme la nef symbolisant la corporation des marchands de l'eau.
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